A l’occasion de la réception du Paris FC ce samedi 12 avril, le Red Kaos, groupe de supporters ultras du GF38, célèbrera son 30ème anniversaire (>>> le programme). Jip et Squale, deux membres présents depuis les premières heures du RK nous ont évoqué l’origine de cet acteur incontournable du football grenoblois.
Leur départ des travées du Stade des Alpes en soutien à leurs homologues de Lorient il y a quelques jours a rappelé un évident constat : un match n’a plus la même saveur sans ultras. A Grenoble, ils sont devenus au fil des années un élément essentiel du paysage footballistique. Au vieux muni’, à Lesdiguières, au Stade des Alpes ou au quatre coins de France, ils représentent bruyamment et dignement leur club, leur ville et tout un territoire dont ils sont fiers et dont ils portent les valeurs au-delà des couleurs.
En discutant avec Jip et Squale, deux « anciens » du groupe, on se rend rapidement compte que le Red Kaos 94 est d’ailleurs bien plus qu’une simple histoire de football. « Humains », « partage », « échange » sont des termes qui reviennent dans la discussion, rappel que la tribune est avant tout un lieu de vie.
A Grenoble, il y a un peu plus de 30 ans, une poignée d’habitués du stade Charles Berty ont lancé le mouvement. « On a voulu regrouper des supporters sur le modèle ultra, avec ses spécificités, ses codes de culture c’est-à-dire en faisant des tifos, en se réunissant au stade, en faisant des déplacements et en représentant la ville dans ces moments-là », explique Jip, un des membres fondateurs. « Il y avait des gens au stade mais pas de groupe structuré. L’idée c’était aussi de rassembler toute la jeunesse grenobloise autour de son club. »
C’est ainsi que le « Red Kaos 94 » est né. Pourquoi ce nom ? « Pour la date c’est simple on a été créé en 1994, on est donc un groupe ultra plus vieux que le club (l’entité GF38 a vu le jour en 1997, ndlr). Ensuite les couleurs de Grenoble étaient rouges et bleues, d’où le « Red » », entame Jip avant d’être relayé par son compère Squale. « A l’époque les groupes étaient aussi extrêmement politisés mais pas politisés comme maintenant. On était plus dans quelque chose d’un peu underground, l’idée c’était de se démarquer un peu à l’image de ce qui se faisait dans le monde des concerts ».
On parle d’une époque sans réseaux sociaux, sans internet, sans téléphone. Le « connecting people » se faisait en présentiel. « On n’avait pas d’autres moyens pour se passer des messages. On se voyait, on se rencontrait », confirment les deux « anciens » RK. « Surtout on voulait rassembler et construire sur la durée, grandir, avec des valeurs, des codes et une culture ultra. »
L’aventure a réellement débuté autour de trois supporters, dont Jip, avant que l’effectif commence à gonfler. « Il n’y avait pas de médiatisation autour de ça à l’époque », explique ce dernier. « Ceux qui nous rejoignaient étaient des copains, des gens qui venaient déjà en tribune, comme Squale par exemple, et qui voyaient ce qu’on mettait en place. Les premières années on essayait déjà de faire comprendre ce qu’était un mouvement ultra, parce que ce n’était tout simplement pas connu. On voulait créer du lien. »
Le vieux Municipal est devenu le rendez-vous incontournable de ce RK94 grandissant, qui animait aussi les déplacements de l’Olympique Grenoble Isère. « Comme on était peu nombreux au départ on se déplaçait avec des moyens individuels. Notre premier bus, c’était contre Dijon en 1995. Quand on se déplaçait, c’était pour soutenir notre club bien sûr mais on défendait aussi notre culture de « montagnard ». On venait de Grenoble et on était là pour Grenoble. On était vraiment fiers de notre ville, de notre région. »
30 ans plus tard, ambition et passion n’ont pas changé même si l’évolution du mouvement ultras et de son traitement a forcément été importante au fil des années. « L’important a toujours été de transmettre. » pour Jip. « C’est pour ça que 30 ans après le RK est toujours là, avec les mêmes valeurs, toujours indépendant pour pouvoir conserver un certain regard sur les décisions prises par le club. Ce n’est pas toujours facile, surtout aujourd’hui avec la volonté d’aseptiser tous les stades pour qu’on sorte le pop-corn et qu’on soit assis. Ils ne se rendent pas compte de toutes les valeurs humaines qu’il y a derrière le mouvement ultra. »
Et ce peu importe les divisions comme le rappelle Squale. « J’avais halluciné quand on était reparti en CFA2. Je pensais qu’on allait se retrouver une poignée mais c’était le contraire. On s’est retrouvé en Nord, ça chantait, il y avait une ambiance incroyable. Et à ce moment là des nouvelles personnes, beaucoup de jeunes, ont commencé à accrocher. C’est là que tu comprends que la transmission dont parlait Jip permet toutes les dimensions et pas que le GF38 en lui-même : les échanges, les relations humaines. »
Et Jip de compléter : « Quand je te dis qu’on aime Grenoble, qu’on est fiers de notre ville, on essaie aussi de transposer ça dans les actions sociales que l’on a mis en place au fil des années. C’est un élément vraiment important du Red Kaos et plus globalement du monde ultras. »
En 30 ans, les deux RK ont eu le temps d’accumuler souvenirs et émotions. S’il est toujours difficile d’en sélectionner seulement quelques-uns, ils se sont prêtés au jeu en nous citant quelques moments et joueurs qui ont marqué leurs années de supporterisme.
Jip : « Ce n’est pas facile d’en ressortir quelques-uns. En 30 ans on a quand même connu deux clubs et trois stades… Mais je dirais la montée en Ligue 1 bien sûr ou encore la victoire à Paris ou celle à Sochaux pour le premier match en L1. Mais au-delà de ces résultats un peu marquants ce sont surtout les relations humaines qui se sont créées qui restent. C’est pour moi ce qui est le plus fort, ces relations qui perdurent entre les générations. La plus belle réussite de ces 30 ans de RK elle est là. Pour les joueurs ou acteurs du football grenoblois je dirais Sergio Rojas qui m’a beaucoup marqué, Hervé Milazzo pour son état d’esprit et Alain Fessler pour son implication dans le GF38. »
Squale : « Pour ma part les déplacements de manière générale. Au début on allait souvent en voiture, on les suivait. Je me souviens d’un match à Martigues où il y avait de la neige. A l’époque quand tu te déplaçais tu n’avais pas tout ces contrôles, les encadrements. Comme Jip le match à Paris m’a marqué. Quand tu rentres dans le Parc des Princes et que tu te fais huer par les anciens ultras parisiens, c’était extraordinaire. Pour parler un peu de foot et d’un joueur, s’il n’y avait qu’un truc à retenir pour moi c’est le but de Bengriba contre Marseille qui m’a même fait pleurer tellement les émotions étaient fortes. »