Cindy Perrault est arrivée cet été en provenance d’Albi au GF38 pour devenir la gardienne titulaire de l’équipe première de la section féminine. Brice Maubleu, est l’emblématique portier grenoblois, au GF38 depuis ses 14 ans (avec une petite infidélité de quelques saisons à Tours). Les deux ont accepté de se prêter au jeu de l’interview croisée, pour une nouvelle rubrique que nous lançons en cette occasion et que nous poursuivrons tout au long de la saison. L’occasion, notamment, de mettre en lumière la section féminine et les (excellentes) joueuses qui la composent.


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Bonjour Cindy, bonjour Brice, avant de commencer, on va demander à Brice Maubleu s’il te connaît ?

Brice Maubleu (BM): Je la connais parce qu’elle vient d’arriver d’un club de première division l’année dernière, d’Albi. Je sais qu’elle a été championne du monde U17. En plus mardi, il y a eu la présentation des équipes du GF38 au château de Vizille. Donc, oui je sais qui c’est. Après, je ne l’ai jamais vu jouer.

Du coup Cindy, quel est ton parcours ?

Cindy Perrault (CP) : Je suis gardienne, j’ai commencé ma formation à Lyon en suivant aussi le Pôle France à Clairefontaine la semaine. Je rejoignais l’Olympique lyonnais en National U19 le week-end. Et après, j’ai intégré l’effectif professionnel avec lequel j’ai participé à plusieurs rencontres. J’ai vécu une finale de Ligue des champions, les titres de Champion de France. Après, j’ai fait toutes les catégories en équipe de France. Je suis ensuite passé par Albi, pas un très bon souvenir honnêtement…où je jouais avant de partir au mois d’octobre pour participer à la Coupe du monde des moins de 20 ans avec l’équipe de France féminine en Papouasie-Nouvelle-Guinée où on perd en finale. Et après, quand je suis revenu, j’ai perdu ma place de titulaire avec Albi donc c’était un peu frustrant. J’ai aussi eu une fissure au ménisque, ce qui a ralenti toute mon année. Donc je suis venu à Grenoble pour me relancer et trouver du temps de jeu.

« C’est sûr qu’il n’y a pas beaucoup d’échange entre les féminines et

les masculins parce qu’il y a quand même un grand écart »

Tu entraînes aussi au GF38 Cindy.

C.P : Oui, j’entraîne les féminines U10, U11, les U15 et aussi les U19. J’entraîne aussi les garçons U10, U11 et les U13.

Toi Brice, tu es à Grenoble depuis tes 14 ans. Cindy, tu es passée par l’équipe de France, l’Olympique lyonnais. Est-ce que vous avez le sentiment d’être des leaders ?

B.M : Personnellement, je ne sais pas si j’ai plus de responsabilités. Déjà, être un cadre, je pense que ça vient naturellement. Moi, je me sens cadre du fait d’être depuis longtemps à Grenoble, que c’est le club où j’ai été formé et par mon vécu. J’attends beaucoup de mes partenaires parce que j’ai envie de réussir avec ce club et parce que j’ai aussi envie qu’eux aussi fassent avancer le club autant que moi.

C.P : Je ne me sens pas comme un cadre. Mais après, j’ai des objectifs, j’ai bien-sûr envie de monter en D1. Si je suis venue, c’est parce que je trouve le projet intéressant. Je prends la parole avant les matches, pendant les entraînements par exemple. J’ai aussi un poste qui me force à être leader entre guillemets, la gardienne regarde le jeu, elle n’y participe pas de la même façon que les autres. Donc, je pense (quand on est à ce poste) qu’on est un cadre de l’équipe sans le savoir. Comme Brice, je pense que ça vient naturellement.

Quelles sont les relations entre les équipes féminines et les équipes masculines ? Vous suivez les résultats des deux équipes ?

C.P : Moi j’aime bien être dans des clubs où j’aime bien suivre les garçons aussi. Moi je me sens concernée parce que c’est mon club. Je sais qu’il y en a qui s’en fiche. Après, c’est sûr qu’il n’y a pas beaucoup d’échanges entre les féminines et les masculins parce qu’il y a quand même un grand écart. C’est vrai que ce serait pas mal d’échanger. Après, c’est vraiment deux mondes différents.

B.M : Cindy a raison. À Grenoble, ça manque encore d’échanges. Au GF, l’attente est plus sur les garçons parce que le club veut retrouver un statut professionnel. Mais j’espère que les filles monteront en D1 parce que c’est important d’avoir un club en première division que ce soit chez les hommes ou chez les filles. Après, la section féminine de Grenoble n’existe pas depuis longtemps donc la connexion va se faire. Là, on est qu’au début.

Comment est-ce que vous jugez le développement du football féminin par rapport au masculin de manière générale ?

C.P : Déjà, c’est bien que tous les clubs professionnels aient des équipes féminines maintenant. Bordeaux par exemple qui a créé sa section en 2015. Aujourd’hui, l’équipe est en D1. Marseille aussi…Même Juvisy qui est un club 100% féminin vient de se rattacher au Paris FC. C’est ce qui va permettre au football féminin de progresser. Il y aura aussi la Coupe du monde en 2019 à laquelle Grenoble va participer. Il faut être patient. Il ne faut pas que ça aille trop vite non plus. Il faut une médiatisation plus importante, il faut aussi que financièrement ça se développe…il y a plein de choses à régler. Par exemple, l’année dernière à Albi pendant nos déplacements, pas de kinésithérapeute ou de docteur et on était un club de D1 quand même…

B.M : C’est sûr que ça ne va pas se faire comme ça. Le développement passera par la médiatisation. Plus il y aura de matches télévisés et plus il y aura d’argent. Il n’y a pas encore assez de moyens dans le football féminin que masculin. Pour l’instant, il n’y a que les matches de Ligue des champions et internationaux qui sont diffusés majoritairement.

Vous comprenez les comparaisons que l’on peut faire entre les football féminin et masculin ? Les petites phrases du style « une joueuse ne peut pas gagner autant qu’un joueur » ?

C.P : Non, moi je ne suis pas d’accord avec ça. Ça ne sert à rien de comparer. Pour l’instant, les gros salaires, ce n’est pas vraiment ce que recherche une joueuse aujourd’hui, c’est d’abord la médiatisation qui est importante. Déjà, ce serait bien que les matches des femmes comme la Ligue des champions soient diffusés plus régulièrement, comme les matches de D1. Après on verra…

B.M : Je suis d’accord, on ne peut pas comparer. Ce serait comme comparer Messi avec Maradona. Ce sont deux époques différentes. Là, c’est pareil. Les budgets ne sont pas les mêmes, la médiatisation n’est pas la même. Du coup, on ne peut pas comparer.

Quelle est l’ambiance chez les filles Cindy par rapport à cette concurrence. Sachant qu’une joueuse ne pourra se dire comme un garçon : « Je vais devenir une star » ou « mettre ma famille à l’abri » parce que la médiatisation et les sommes en jeu ne sont pas les mêmes ?

C.P : C’est même parfois compliqué chez les filles parce que financièrement tous les clubs ne sont pas capables de payer leurs joueuses. Après, comment ça se passe, ça dépend vraiment des cas de figure.

B.M : Aussi, le poste de gardien est particulier. Il y a forcément moins de place. Il en faut un sur les 11 donc forcément…La concurrence est encore plus féroce du coup.

« Certes, le football féminin est plus lent, mais il y a moins de contacts et surtout beaucoup moins de simulations… »

Justement, pour parler des gardiennes. Elles ont été très critiquées pendant le Championnat d’Europe féminin cet été. Qu’est-ce que vous avez pensé de ces critiques ? Est-ce que le niveau des gardiennes ne progresse pas aussi vite que celui des joueuses de champ ?

C.P : Déjà, pour répondre aux critiques par rapport aux Françaises, je trouve que le calendrier (du championnat de France) est vraiment mal fait par rapport aux autres championnats. Les filles n’ont jamais eu de temps de repos en fait. Donc elles sont arrivées à la Coupe d’Europe vraiment fatiguées. Et elles n’ont pas pu se remettre en jambe, se reposer.

Pour parler des gardiennes en général, moi je connais Sarah Bouhaddi (gardienne titulaire de l’équipe de France). C’est une gardienne qui m’a beaucoup impressionnée aux entraînements spécifiques. Mais malheureusement en championnat, il y a un très grand écart. Et quand tu vois Lyon mettre 10-0 tous les week-ends, bah elle ne touche pratiquement jamais la balle. Et au moment où il faut intervenir, bah c’est plus dur. On entend parfois des reproches qui visent le positionnement haut sur le terrain d’une gardienne. Mais pour moi, on ne peut reprocher à une gardienne de jouer haut sur le terrain. On ne peut pas reprocher à une gardienne de vouloir participer au jeu.

B.M : Quand on est gardien et qu’on se prend un but…On se sent forcément bizarre. On a l’impression

que c’est de notre faute. Vous n’avez pas le droit à l’erreur en tant que gardien donc voilà…Vous prenez Lloris par exemple, il fait de très bonnes performances et il fait une mauvaise relance contre la Suède. Et tout de suite, bah l’ensemble des performances est remis en cause. Après, si Sarah Bouhaddi est titulaire en équipe de France, c’est qu’elle le mérite. Elle a ramené des points à Lyon. On ne l’a pas assez souligné aussi.

Quels sont les objectifs pour les deux sections, la montée ?

C.P : Bien-sûr que c’est la montée ! En plus, je pense que Grenoble a vraiment mis les moyens. Ils ont vraiment un bon projet pour monter. Moi je suis venue aussi parce que j’ai entendu un discours intéressant de Nicolas Bach (entraîneur principal de l’équipe première des féminines). C’est un bon entraîneur et j’avais besoin de quelqu’un qui me remette en confiance. En début de saison, on a une bonne cohésion de groupe, on fait un bon début de saison. Il ne faut pas se relâcher, il n’y aura aucun match de facile jusqu’à la fin et on aura pas forcément le droit à l’erreur.

B.M : Le championnat National est un peu bizarre, parce que beaucoup d’équipes peuvent jouer la montée. L’année dernière, le Paris FC qui était 17ème à la trêve, monte finalement en Ligue 2. Le haut du classement est très serré pour l’instant. C’est encore trop tôt pour vraiment se situer dans le championnat. Mais l’objectif, c’est le haut de tableau, c’est la montée. Le but, ce n’est pas de végéter des années en National, c’est un championnat transitoire. Mais on est candidat pour jouer le haut de tableau.

Même si vous n’aimez pas comparer, quelles sont les différences de style qui existent entre le football féminin et masculin ? Par exemple, le football féminin est réputé particulièrement technique du fait que les filles chercheraient à éviter les contacts au maximum.

C.P : Je n’aime pas comparer une nouvelle fois. Mais déjà (éviter les contacts), c’est sûr que c’est une force. Quand tu vois un gabarit comme ça (elle désigne Brice Maubleu qui mesure 1m92, Cindy Perrault mesurant 1m71). Tu vois les garçons de 14 ans, c’est déjà des gros bébés. Une fois avec Lyon, on avait joué contre les U14 masculins de Lyon. On a gagné que 2-1. Pour vous dire que l’on a 25 ans en moyenne et que l’on joue contre des 14 ans…Donc physiquement, ce n’est pas comparable. Certes, le football féminin est plus lent, mais il y a moins de contacts et surtout beaucoup moins de simulations…(Cindy s’excuse auprès de Brice qui semble gêné…Et mort de rire). Je ne parle pas pour ton cas Brice (rires à nouveau). Mais plus sérieusement, je pense que les filles ont le sentiment qu’elles doivent prouver, donc elles simulent moins. Mais après, il y a une grande différence avec les garçons…On n’est pas (physiquement) comme eux quoi.

B.M : Après, je trouve qu’il y a quand même des duels dans le foot féminin. Après, il y a moins d’impacts, c’est sûr du fait des gabarits. Au foot, la grande majorité des filles sont athlétiques, élancées. Chez les hommes, y’a des spécimens de bodybuilders lents qui jouent à haut niveau pourtant. Leur jeu, c’est juste du « bourrin ». Après, de ce que je vois du football féminin, je trouve ça assez tactique et il y a une bonne préparation techniquement, ça joue.

Cindy, comme les Grenoblois te connaissent moins bien que Brice, tu te définis comment comme gardienne ?

C.P : J’aime beaucoup monter, participer au jeu. Je suis un peu comme une défenseure. J’aime être là pour me proposer. Je parle beaucoup aussi, m’imposer dans les airs aussi…C’est déjà pas mal ! (Rires). Après je suis assez grande pour une gardienne fille donc j’en profite.

B.M : Bah moi, je suis plutôt modeste. Donc je me définis plus comme Gianluigi Buffon. (Rires). Non évidemment, je rigole. Bah j’essaie de faire mon job simplement. Je ne vais pas crier tout le temps sur ma défense. J’essaie simplement de faire mon boulot sans en faire trop. Tout en essayant de m’adapter au coach.

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