Artisan de la belle saison 2015-2016 du GF38 en National 2, Bruce Abdoulaye s’est distingué pour ses qualités footballistiques et humaines. Devenu entraineur, il souhaite désormais transmettre son vécu et ses acquis. Entretien « long format » avec l’ancien grenoblois …
Après un premier passage au GF38 entre 2002 et 2004, tu vas retrouver la Capitale des Alpes lors de la saison 2015-2016. Quels souvenirs gardes-tu de cette belle saison, malheureusement non ponctuée par une montée ?
« Mon deuxième passage grenoblois fait partie des moments forts de ma vie. Je suis revenu près de quinze ans après ma première expérience au GF38 et j’ai toujours retrouvé cette âme et cette identité grenobloise qui animent le club. Je me souviens des moments de communion avec les supporters c’était magique ! A Grenoble, tu as le droit d’être mauvais mais tu n’as pas le droit de sortir du terrain sans avoir tout donné parce qu’il y a des gens qui vivent pour ce blason. Il y a aussi des personnes qui œuvrent ou qui ont œuvré pour le GF38 comme Roger Garcin, Max Marty, Alain Fessler. Sur le plan sportif, cette saison 2015-2016 a été enrichissante. Tous les joueurs étaient connectés au même projet. Et puis ma dernière fille est née à Grenoble donc je serai forcément toujours lié avec cette ville. »
Lors de cette saison-là, tu vas avoir la double casquette joueur/entraineur puisque tu vas également intervenir auprès de la catégorie U19. Peux-tu nous parler de cette expérience avec la génération 97-98 ?
« J’ai vécu une belle saison avec cette génération. Il y avait énormément de potentiel avec beaucoup de joueurs qui disposaient d’énormes qualités. C’était le moment de préparer ma reconversion en me projetant sur mon second métier, celui d’entraineur. J’ai eu la chance d’être accompagné par un monument du paysage footballistique grenoblois : Coucou Tafer. Grenoble m’a donc donné la possibilité de passer mon DESJEPS (Diplôme d’État Supérieur de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport) me permettant d’entrainer à un niveau assez intéressant ».
Ce rôle d’éducateur auprès des jeunes c’est quelque chose que tu vas connaitre de nouveau à Torcy (U19 Nat) et Andrézieux (U17 Nat). Qu’est-ce que cela t’as apporté dans ta formation d’entraineur ?
« Pour moi c’est une suite logique. Le football m’a donné la possibilité de devenir un homme avec des valeurs et une ligne de conduite. Aujourd’hui, le fait de transmettre me permet de rendre au football tout ce qu’il m’a donné. Au-delà du bagage technique et tactique que je souhaite apporter à un jeune joueur, ce sont les valeurs et le respect que je vais lui transmettre qui m’intéressent davantage. Ils ne vont pas tous finir professionnels mais s’ils deviennent tous des bonnes personnes alors j’aurai gagné mon pari ! »
Tu as la particularité d’être sélectionneur en plus d’être entraineur. Comment appréhendes-tu ce rôle différent auprès de la sélection centrafricaine U20 ?
« Ce sont deux fonctions différentes avec un rôle de sélectionneur qui me permet de sortir de ma zone de confort et de me confronter à du très haut niveau. La principale différence c’est l’humain. En tant qu’entraineur, tu es au quotidien avec tes joueurs et tu dois donc gérer un groupe en fonction d’objectifs précis. En tant que sélectionneur, tu as très peu de temps pour avoir des résultats. Sans même connaitre l’humeur de tes joueurs au quotidien, tu dois tirer le meilleur d’eux-mêmes. Il faut donc pouvoir fédérer un groupe et mettre en place des principes de jeu en très peu de temps ».
En tant que sélectionneur, comment procèdes-tu pour faire ta liste sans pouvoir observer les prestations de tous les joueurs sélectionnables chaque weekend ?
« J’ai une base de données de 100 à 150 joueurs par génération d’âge. En connaissant la complexité du football africain, j’ai fait le choix de sélectionner autant de joueurs qui évoluent en Europe que de joueurs évoluant en Afrique. C’est donc toute une organisation qui passe par une relation nécessaire avec les entraineurs mais aussi les conseillers des joueurs. Ces derniers jouent un rôle important dans le choix des jeunes qui sont le plus souvent binationaux et qui peuvent donc décider d’évoluer pour deux nations différentes. Avec la fédération centrafricaine, un processus de détection et de suivi dès l’entrée en U16 a été mis en place depuis 5 ans maintenant. L’objectif est de déceler des joueurs à haut potentiel susceptibles de nous rejoindre. Tous les dimanches soir, il faut récupérer les bases de données des joueurs et les analyser en se répartissant les rôles. Le préparateur physique doit être apte à me communiquer les temps de jeu et les éventuelles blessures. L’entraineur-adjoint s’occupe des statistiques des joueurs selon leur niveau de pratique (U17Nat, U19 Nat, réserves de clubs professionnels). En ce qui me concerne, je me concentre sur les joueurs étant déjà dans le réseau professionnel. Il faut donc regarder leurs matchs et analyser leurs prestations avec les différents outils à notre disposition. De temps en temps, j’aime aussi me déplacer pour avoir un contact physique avec le joueur, c’est quelque chose d’important à mes yeux ».
Avec la sélection centrafricaine U20, tu as pu disputer la CAN en Egypte au mois de mai. Une participation dont tu as eu connaissance tardivement après la dissolution de la Fédération Congolaise. Comment es-tu parvenu à préparer ton équipe à une telle échéance en un petit mois ?
« Ce que je vais dire peut paraître fou mais on était déjà prêts. C’est l’avantage d’être dans une sélection nationale structurée avec une ligne de conduite claire et des individus compétents. La mutualisation des informations et des compétences ainsi que notre participation aux éliminatoires en octobre nous ont permis de préparer sereinement cette échéance. Ce qu’il a fallu ensuite c’est convaincre les clubs de nous laisser les joueurs à disposition puisque les dates de la CAN U20 ne correspondent pas aux dates FIFA. Il a donc fallu négocier mais quand les clubs savent que la sélection est gérée par quelqu’un de compétent avec la mise en place d’un suivi professionnel, ils jouent généralement le jeu. Et puis, ils y trouvent également leur intérêt au vu de la visibilité du joueur lors de sa participation à une telle compétition ».
En parallèle de ce rôle de sélectionneur, tu as connu une saison aboutie avec le FC Riomois en Régional 1. Une deuxième place au classement (avant d’être rétrogradé à la troisième place à cause du malus) et une victoire en finale de la coupe LAURA. Quel regard portes-tu sur cette aventure en Auvergne ?
« C’était mon retour sur le banc d’une équipe amateur après notamment une expérience avec la réserve du Paris FC. J’ai appris tardivement que je n’étais pas conservé avec le nouveau projet que le club souhaitait mettre en place. Il fallait donc que je retrouve un club en tant qu’entraineur principal au niveau national chez les jeunes ou au plus haut niveau régional avec les séniors pour valider mon CEAD (Certificat d’Entraineur Attaquant – Défenseur). J’ai donc rejoint l’Auvergne pour être proche de mes enfants également. Je pense qu’on a réalisé une saison pleine avec un groupe et un club qui vont devenir attractifs dans les années à venir. L’Auvergne c’est une région dans laquelle les tops joueurs se font rares ou alors ils évoluent déjà avec Clermont. Il faut donc trouver d’autres leviers pour être compétitifs. Pour moi ces leviers ont été l’humain, l’unité, le groupe et le fait de concerner toutes les personnes du club pour qu’on puisse tirer dans le même sens ».
Comme annoncé par le FC Riomois en début de semaine, tu ne seras plus sur le banc auvergnat la saison prochaine. Peux-tu nous expliquer ton choix de prendre part à un nouveau projet ?
« Je pense que le club va continuer à grandir mais peut-être pas aussi vite que je le souhaiterais. On a donc eu l’intelligence de se voir avec les dirigeants pour évoquer la suite et je leur ai fait part de mon envie de trouver un nouveau projet qui ressemble davantage à la suite que je veux donner à mon parcours professionnel. Après une saison aboutie, j’ai eu des contacts avec différents clubs pour la saison prochaine. Le plus important désormais est de faire le bon choix pour que je puisse m’épanouir, découvrir autre chose et sortir de ma zone de confort. Le contexte économique actuel du football français rend cela compliqué même si je devrais être rapidement fixé pour appréhender sereinement la saison à venir. »
Comment pourrais-tu qualifier ton équipe et ton style de jeu en tant qu’entraineur ?
« C’est une équipe à l’image du joueur que j’étais : ambitieuse, agressive défensivement et organisée tactiquement. J’étais conscient de mes qualités athlétiques et c’est d’ailleurs ce qui m’a permis de faire une belle carrière. J’étais un joueur rigoureux et j’allais vite de l’avant. Je veux que mon équipe soit dure à manœuvrer et c’est d’ailleurs comme ça qu’on me définit en tant qu’entraineur ».
On se donne rendez-vous dans 5 ans sur le banc du GF38 ?
(Rires). Grenoble est un club qui m’est cher. Je n’ai pas l’impression que la tendance actuelle soit de faire revenir d’anciens joueurs au club ou alors je ne suis peut-être pas assez légitime. L’avenir me le dira peut-être en tout cas c’est vrai que le GF38 a une place particulière dans mon cœur. Si demain j’avais la possibilité de collaborer avec Grenoble ce serait avec grand plaisir ! »