Cadres du GF38, Laureen Navas et Steven Pinto Borges vont jouer un rôle clé dans le vestiaire des deux sections en cette fin de saison. Candidats à la montée, les féminines et masculins entrent dans le « money time » à la sortie de l’hiver. Ils sentent tous les deux « une obligation de résultats » pour continuer le redressement d’un club qui a connu la faillite en 2011. La direction grenobloise veut aussi largement développer la section féminine. Mais ce développement dépend en grande partie des résultats de l’équipe première masculine. Au Gazzetta caffè, les deux joueur.e.s ont abordé ces sujets dans un entretien croisé pour Métro-Sports.


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En 2015 Laureen, tu avais dit que le GF38 mettait enfin des « moyens conséquents » pour que la section féminine du GF38 se développe. Comment tu juges son évolution depuis?

Laureen Navas: Je pense qu’on a vu le football féminin déjà pas mal évoluer. On l’a ressenti au niveau de notre équipe. Déjà, on est passé d’une équipe « Claix » à « GF38 », ce qui a permis à l’équipe d’avoir une visibilité plus grande. En terme d’infrastructures, les choses ont beaucoup évolué aussi. Alors on va dire qu’on évolue comme évolue le football féminin. C’est-à-dire que le club a augmenté les moyens de la section mais qu’il y a beaucoup de travail à faire encore. On espère que la direction continuera de développer la section féminine pour réaliser l’objectif principal : la montée en D1.

C’est pénible au quotidien ce manque de moyens?

L.N: Pénible, je ne sais pas. Ce n’est pas ce manque d’investissement non plus qui a fait que l’on n’a pas vraiment été performants ces derniers temps (deux défaites d’affilée contre Nîmes et Vandenheim). Mais c’est sûr qu’au quotidien, la direction nous demande toujours plus en sachant que les filles ont des boulots ou des études en parallèle. Donc, on dégage un temps conséquent pour s’investir dans le football, non sans plaisir hein. Mais des moyens supplémentaires, ça aiderait, c’est sûr. Ce n’est pas toujours facile par exemple de changer de stade sans arrêt. Mais après, c’est compliqué parce que ça ne dépend pas que du club ça.

Toi Steven, tu as notamment évolué à Guingamp (entre 2005-2009) qui possède aujourd’hui une section féminine réputée (et qui n’hésite pas à se mettre en grêve). Comment tu juges celle de Grenoble?

Steven Pinto Borges: À Guingamp, ça a évolué à l’image du football féminin: très vite. Mais si la section féminine a évolué, c’est aussi parce que le club en général a évolué. Nous (les garçons), on sait qu’on est la locomotive pour le rayonnement du club. Et on sait que plus la section masculine montera, plus les moyens alloués aux filles et aussi aux jeunes seront importants.

Être « la locomotive » comme tu dis, c’est une pression supplémentaire sur vous (les garçons)?

S.P.B: Oui, mais c’est une pression positive. Faire évoluer un club, c’est toujours bien. Mais après, je disais la locomotive parce qu’on est l’équipe la plus visible. Mais le club grandit à tous les niveaux. Que ce soit par les résultats des jeunes sections que par les équipes seniors des filles. Après, nous les garçons, on se doit de montrer l’exemple, parce qu’on a des moyens très importants. Même par rapport aux clubs de National.

La communication est importante pour toi Laureen entre les équipes premières de garçons et de filles?

L.N: Non, la communication n’existe pas vraiment. Mais après, je pense qu’ils sont dans leur bulle. Ils ont des objectifs importants, élevés. C’est l’équipe qui fait rayonner le club. La communication viendra avec le temps et les résultats. Ça tient à nous (les filles) aussi de monter et permettre, comme les garçons, de faire monter le club au plus haut niveau.

S.P.B: C’est vrai que c’est un peu dommage. On ne se côtoie pas directement. On suit les résultats et on est attentifs aux performances des uns et des autres. Mais c’est sûr qu’on ne se voit pas. On pourrait faire mieux.

« Aujourd’hui, les filles qui jouent au foot ne sont plus considérées comme des garçons manqués »

Après, des joueurs suivent les résultats des filles ou les matches en direct…comme Selim sur Métro-Sports…

L.N: oui, comme Selim (Bengriba) par exemple contre Rodez (en Coupe de France). Mais ça prouve qu’il y a quand même de la communication entre les équipes, pas assez certes, mais elle existe.

Comment vous expliquez le développement si « rapide » du football féminin?

S.P.B: Simplement parce que c’est plaisant à voir. C’est un autre style de jeu aussi, il y a moins de physique, les filles jouent plus au sol par exemple. Dans la construction, c’est propre et au sol, certes plus lent, mais propre techniquement. En plus en France, on a deux équipes de haut niveau avec l’Équipe de France et l’Olympique lyonnais. Ça aide forcément à ce développement.

L.N: Le football est un sport populaire. Donc, les filles aussi ont commencé à beaucoup le pratiquer. Avec l’Équipe de France féminine, la France s’est de plus en plus intéressée aux filles aussi. En plus, la France accueille le mondiale féminin en 2019 (notamment à Grenoble), ce qui prouve que ça intéresse. Et comme l’a dit Steven, le football féminin, c’est un autre style de jeu, donc ça intéresse d’autres spectateurs qui veulent peut-être voir autre chose parfois. Le public aussi chez les filles est plus familiale, on (les filles) est dans un cadre plus « famille » que celui des garçons. Les enjeux sont moins « tendus » que chez les garçons. Les médias ont aussi beaucoup relayé cette image plus accueillante je pense du football féminin.

L’une des raisons du développement du football féminin, c’est aussi le changement des moeurs, aujourd’hui si une fille a envie de faire du football, ce n’est pas forcément « un garçon manqué » par exemple ?

L.N: Oui, les mentalités ont beaucoup évolué. Moi, je fais du football depuis que j’ai cinq ans et aujourd’hui, ça ne choque plus de voir une filles dans les catégories plus jeunes (des catégories qui ont la possibilité d’être mixte). Alors qu’avant, c’était pas la même histoire. La fédération française a aussi beaucoup oeuvré pour que ça change avec des campagnes qui montre que le football n’est pas réservé aux garçons.

S.P.B: oui, les gens cataloguent facilement les sports. Le football est tout de suite plus masculin, la danse, plus féminin par exemple…Mais ça évolue dans pas mal de sports quand même comme le handball, le basket par exemple. Donc, y’a vraiment la place pour les garçons et les filles dans tous les sports naturellement.

Le football féminin est donc populaire en France…notamment grâce à l’équipe de France, qualifiée comme l’une des meilleures nations au monde mais qui n’a pas réussi a remporter de trophées. Qu’est ce qui lui manque pour ?

L.N: Quand les garçons étaient moins biens, les médias ont plus mis en valeur les filles. Donc elles avaient plus de pression dans le sens où elles devaient faire mieux que l’équipe masculine. Et dans les têtes, je pense que ça n’a pas été facile de gérer cette pression qu’elles ne connaissaient pas forcément puisqu’elles n’étaient pas médiatisées avant. Elles vont apprendre avec temps et notamment avec la Coupe du monde en France en 2019.

S.P.B: La Coupe du monde peut être aussi un tremplin pour les filles. Ça va forcément attirer des gens qui se déplaceront pour voir jouer les filles. Ça va permettre plus de visibilité au football féminin et permettre de continuer à le populariser en France et montrer qu’il n’y a pas que les garçons. Ça va augmenter le nombre de licences…C’est comme ça que ça va continuer à se développer et permettre de faire passer au football féminin un cap supplémentaire.

« Ça peut être usant parfois d’être obligé de se battre pour avoir le moindre truc… »

Pour revenir aux saisons que vous vivez actuellement, quel regard vous portez dessus? Vous êtes tous les deux candidats à la montée cette année. La section féminine est à 6 points de la tête en sachant que seul le premier monte. La section masculine est leader du National, un championnat qui est un véritable marathon.

L.N: On ne s’est pas facilitées la tâche avec nos deux défaites d’affilée. On a encore du mal à gérer les moments de moins bien dans les matches. Ça s’est vu sur les deux derniers, c’est clairement le mental qui a fait défaut. Mais rien n’est perdu pour nous, mathématiquement, la montée est encore possible. Donc on ne lâchera rien comme on l’a fait maintenant. On a fait une bonne première partie de saison. On a fait des résultats contre les grosses équipes (victoire notamment à Saint-Étienne 1-0). On sait qu’on en est capables. Donc il faut continuer à aller chercher les résultats.

S.P.B: Oui, le National est un championnat usant. Il faut lutter pour rester à ces deux premières places qui permettent d’accéder directement à la Ligue 2 sans passer par un barrage. Comme le dit le coach, on voulait être leader. Maintenant, on l’est. Donc il faut l’assumer. Les équipes sont plus regroupées face à nous. On l’a encore vu ce week-end contre Cholet, même eux qui normalement joue plus au ballon, ont attendu derrière pour essayer de nous contrer. Il faut s’attendre encore plus maintenant à jouer ce type de matches avec la fin du championnat qui approche. Ce qu’il faut garder, c’est le mental qu’on a actuellement. C’est ce qui fera la différence.

La « tête », c’est aussi ce qui a fait la différence l’année dernière pour monter et rattraper Le Puy pour enfin sortir de la CFA. C’est Olivier Guégan qui fait cette différence?

S.P.B: Le coach me fait penser à Michel Der Zakarian que j’ai eu quand j’étais à Clermont l’année où le club a failli monter en Ligue 1. C’est un peu le même style. Ce n’est pas quelqu’un qui va chercher à tout révolutionner mais il transmet des choses simples, précises à son groupe. Et ça marche, la preuve. Le fait de dire exactement aux joueurs ce qu’il attend d’eux, pour moi, c’est la principal force d’Olivier Guégan. Et évidemment, ça joue sur le mental quand vous savez ce que vous devez faire, quand les consignes sont claires. Et surtout quand un meneur d’hommes vous les transmet.

Toi Laureen, comment tu caractériserais ton entraîneur Nicolas Bach au quotidien?

L.N: C’est quelqu’un qui s’investit beaucoup pour nous. Au club, il est toujours là à défendre nos intérêts parce que ça peut être usant parfois d’être obligé de se battre pour avoir le moindre truc comme le flocage sur les maillots, enfin des trucs tout bêtes mais qui font qu’on se sent considérées. C’est aussi quelqu’un qui est à fond dans tout ce qu’il fait et ça se voit avec nous. Et il a toujours envie de nous emmener plus haut. Et surtout en D1, un niveau qu’il a connu avec Rodez et surtout on sait que lui, il y croit.

Quel était le discours de Nicolas en début d’année? est-ce qu’il affichait clairement la volonté de monter. Ou alors que ce n’était pas vraiment un objectif et qu’il fallait simplement avancer en gagnant le plus de points et voir à la fin?

L.N: L’année dernière, il n’y avait pas eu d’objectif affiché. On savait qu’on pouvait viser le top 3 mais ce n’était pas vraiment une ambition. Cette année, la montée est vraiment un objectif. Et même si aujourd’hui c’est dur mathématiquement, c’est toujours l’objectif. Le club a mis les moyens notamment en recrutant à toutes les lignes. Donc on doit pouvoir jouer les premiers rôles et la montée. En sachant que forcément, seul le premier monte dans ce championnat de D2.

Vous êtes tous les deux des cadres du vestiaire. Quel rôle vous avez à tenir dans un vestiaire?

L.N: Personnellement, je ne suis pas quelqu’un qui m’exprime beaucoup et qui va faire de grands discours. Maintenant, c’est vrai que je commence à être la plus âgée dans l’équipe (27 ans) et que j’ai une solide expérience de la D2 donc j’essaie d’être irréprochable sur le terrain et en dehors pour montrer l’exemple. Je me considère plus comme un leader technique. Par exemple, quand on est dans une phase de moins bien, il faut essayer de changer des choses. Au niveau du capitanat par exemple, il y a eu un petit changement pour la fin de saison, ce sera moi et Julie Piga pour essayer de recréer une dynamique.

Chez les garçons, le brassard est presque portée alternativement entre toi Steven et Julien Delétraz.

S.P.B: Ah non mais le capitaine, c’est Julien Delétraz. Il n’y a pas de « co-capitanat ». Il y a plutôt un capitaine: Julien. Et moi comme vice-capitaine. Par exemple quand Julien et moi sommes sur le terrain, c’est Julien qui porte le brassard. Après dans le vestiaire, il y a un noyau de mecs qui sont écoutés et respectés. Mais on peut tous prendre la parole si il y a besoin. Le but, c’est que toute l’équipe tire dans le même sens. Que ce soit Julien, « Ibou » (Coulibaly), « Flo » (Sotoca) ou moi, c’est pareil, tout le monde dit ce qu’il a dire. c’est aussi une de nos forces.

« On n’est pas encore en Ligue 2. il faut continuer à garder ça en tête, ne pas être prétentieux… »

En tant que cadre, quel rôle on adopte à l’approche de la fin de saison et qu’il reste des enjeux à disputer?

L.N: Dès le début comme je l’ai dit, on voulait jouer les premiers rôles et c’est ce qu’on a fait. On arrive vers la fin du championnat et le but, c’est de continuer à se dire qu’on peut le faire simplement. En plus, il nous reste tous les favoris à la montée à jouer donc on a notre destin entre nos mains. Personnellement, je suis persuadé qu’on peut le faire et je dois participer à entretenir cet état d’esprit dans le vestiaire.

S.P.B: En ce qui nous concerne, on n’est pas encore montés…donc l’objectif, c’est de garder le groupe mobilisé pour continuer à être costaud mentalement. À continuer d’être performant en défense. Et le coach nous l’a dit, si on reste la meilleure défense, on montera. ce qu’il ne faut pas, c’est inventer quelque chose maintenant pour les deux derniers mois…Il faut aussi rester pragmatique. On sait qu’on a des matches où on peut jouer au ballon, d’autres non par exemple. Ce sont les plus régulier à la fin de la saison qui monteront, pas les plus spectaculaires.

Pour la saison prochaine, toujours grenoblois?

L.N: Je suis grenobloise de naissance. J’ai toujours choisi de rester à Grenoble pour mes études, notamment parce que je sais que c’est compliqué de bouger dans le football féminin pour gagner sa vie. Et rester sur Grenoble, ça m’a permis de jouer au haut niveau. Mon travail est à Grenoble (contrôleur de gestion dans une société informatique), ma vie est à Grenoble. Donc oui, toujours à Grenoble la saison prochaine.

S.P.B: j’avais une obsession: celle de monter en Ligue 2 avec Grenoble quand je suis venu parce que j’avais joué déjà le GF38 quand j’étais en Ligue 2 à l’époque. J’ai tout fait pour en arriver là avec Grenoble. Donc, je n’ai qu’une envie: celle de continuer à jouer avec Grenoble. Donc oui, j’espère être à Grenoble la saison prochaine.

Steven, Tu t’imaginais être aux portes de la Ligue 2 aujourd’hui quand tu as signé avec Grenoble qui était en CFA en 2014?

S.P.B: Pas forcément, mais je savais qu’on avait l’équipe pour le faire quand on est montés l’année dernière. Après de là à dire qu’on y est, c’est prétentieux. Déjà, on va s’appliquer à continuer de lutter jusqu’à la fin. On est pas encore en Ligue 2. il faut continuer à garder ça en tête, ne pas être prétentieux…

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