C’est le genre de fille qui vous envoie balader du premier coup. On ne parle pas de drague, on parle ballon rond, crampons et chaussettes jusqu’au genou. Un coup d’épaule et allez voir ailleurs si j’y suis. Océane ne se défait pas des gens comme les autres. Son truc à elle, c’est de vous faire un passement de jambes et si possible un petit pont – c’est toujours meilleur.




Arrivée en avance au rendez-vous, grand sourire et polo du GF38 sur les épaules sont les premières choses qu’on remarque chez elle. Et pourtant, la jeune fille de 21 ans a connu des hauts et des bas dans son début de carrière. Malgré ça, c’est le sourire. Elle revient de la séance photo officielle au Stade des Alpes, ce qui explique sa tenue. « C’était un peu long, y avait les garçons aussi. Le président était là. C’était marrant. » s’exclame-t-elle en ouvrant sa cannette de coca. Une gorgée. « Ca faisait longtemps que j’avais pas bu de coca » dit-elle en riant. Deuxième gorgée, puis la défenseur attaque son histoire.

« J’ai commencé à faire du judo à l’âge de 6 ans. Je voulais me défouler et m’amuser. Mais ma mère, qui est assistante maternelle, gardait un petit qui allait au foot. Des fois je l’accompagnais aux entraînements. J’aimais ça. J’ai commis l’erreur de me réinscrire une deuxième année au judo, mais j’ai fini par lâcher totalement. Avec le club de foot je participais aux tournois et à tous les entraînements. » C’est le début d’une longue histoire d’amour entre les carrés verts et Océane. Six ans, c’est le nombre d’années qu’elle a passé sous les couleurs du club de sa ville, Brignais. « Jusqu’en Benjamins c’était mixte, et je pense que j’aimais beaucoup plus jouer avec les garçons qu’avec les filles. Les garçons sont plus physiques. A l’époque c’était pas si répandu le foot féminin. Une année, il y a eu quatre filles inscrites à Brignais, c’était un record. » Petite déjà, elle nourrissait de grandes ambitions. « Tous les ans, je faisais les détections de l’Olympique Lyonnais. Pour moi, c’était un rêve. L’équipe masculine était super, mais les filles c’était la crème. » Confrontée chaque année à des refus de la part du club lyonnais, Océane passe une ultime détection à 14 ans, sans vraiment y croire. « Mon père me disait qu’il avait un bon sentiment. La vérité c’est que j’avais rien dormi de la nuit et que j’étais pas bien. » Quelques jours après les tests, Océane se rend au dernier match de la saison avec son club de Brignais. « C’était un samedi, se rappelle-t-elle comme avec encore des étoiles dans les yeux, j’étais dans la voiture avec mes coéquipiers quand ma mère m’appelle. Elle me dit que l’OL a appelé et que je suis prise. J’arrivais pas à y croire. C’était le plus beau jour de ma vie. »

Le survêt’, le polo d’entraînement et de match, le sac à roulettes, les chaussettes, c’est Noël quand en mai Océane découvre le paquetage brodé Olympique Lyonnais à la Plaine des Jeux de Gerland pour ses premiers pas sous ses nouvelles couleurs. « J’ai vraiment progressé pendant cette première année. J’avais dû intégrer la section sport-étude du lycée Frédéric Fays à Villeurbanne. On s’entraînait sept fois par semaine. J’ai vraiment vu une différence. » Forte d’une saison pleine en U15 (le changement aux normes de l’UEFA venait de s’établir), l’OL décide de renouveler sa confiance à Océane pour une saison supplémentaire. Pour cette nouvelle saison, elle bascule avec les U18. Une vraie déception pour la jeune fille : « Le niveau était clairement moins élevé. Tous les week-ends on gagnait. Quand tu es défenseur et que tu n’as rien à faire c’est pas très marrant. Par contre, quand tu avais une intervention, il ne fallait pas se louper. Le coach, lui, il te ratait pas. » La saison suivait son cours, jusqu’à un funeste 30 janvier 2011. « Je me blesse », lâche-t-elle. Silence. Le ton de sa voix change et elle entame un récit tellement détaillé qu’on penserait que c’était la veille. « Ca faisait dix minutes que j’étais sur le terrain, un synthétique, en plein match avec les U18 à Nivolas. Je déborde, je décale le ballon, je m’apprête à centrer et quand je repose mon pied ça craque. Je m’effondre. Je reste des minutes au sol. La douleur était si intense. » Elle s’interrompt et coupe son récit pour dire un « De toute manière, c’est de ma faute si je me suis blessé » qui laisse perplexe. Elle s’explique : « A l’entraînement du vendredi, avant le match, rien ne roulait. Je n’y arrivais pas. Je m’énervais toute seule. Et comme je suis hyper exigeante envers moi-même je me suis dit  »Si je me blessais, ça règlerait tout. Je me prendrais plus la tête. » Et malheureusement c’est ce qu’il s’est passé. » Les croisés, la blessure qui fait peur à tous les amateurs de football.

Hôpital, kiné, radio, opération, Océane se confronte pas à pas à toutes les étapes qui suivent une blessure grave. Et pendant ce temps-là, c’est l’OL qui est aux abonnés absents. « Ils ne m’appelaient pas souvent », dit-elle la rage dans le fond de la gorge. Arrive fin de saison et elle doit se confronter au traditionnel entretien avec le coach, Fred Strapazzon. « Quand tu reviendras, t’auras pas le niveau. » Huit mots. Rien de plus. Huit simples mots qui suffiraient à tuer tous les espoirs de 80 % de la population. Pas elle. Pas Océane Grange.

La renaissance

Les pépins physiques finis, il faut se trouver un nouveau défi. C’est du côté de Caluire, dans la banlieue lyonnais, qu’Océane trouve un défi de sa trempe. Jouer en seniors DH (troisième division nationale). Elle y rencontre Tanguy Merceur, celui qui deviendra son mentor, mais aussi plus qu’un groupe et qu’une équipe, une famille. Dans cet environnement sain, elle reprend goût au football et aux tacles glissés – même si cette fois, son maillot est vert. A Caluire, elle trouve en son coach, Tanguy, un leader qui saura tirer de chaque fille un peu plus. « C’est mes plus belles années en termes de progression. » Oui mais voilà, la jeune fille de Brignais qui séchait le judo pour claquer des lucarnes, elle en veut plus. « Ce que je voulais, c’était la D2, minimum. » Alors après deux saisons dans le nord de Lyon, elle fait le choix de rejoindre un club « pas très bien vu ». Enfin, c’est ce que lui disait ses copines. Claix Football.

« Le coach de Claix m’a clairement fait comprendre qu’il comptait sur moi. Pour ma part, j’étais motivée à l’idée de jouer à haut niveau. J’avais même, avant de lui dire, fait les démarches pour m’inscrire dans un lycée sur Grenoble (rires). » Nouvelle ville, nouvelle équipe, rien ne fait peur à cette mordue de foot qui est prête à tout pour arriver à son objectif, qu’elle confesse timidement : « L’équipe de France ce serait le rêve ». Même pendant ses vacances, la tête est au ballon : « Cet été j’étais en vacances à Barcelone et j’ai envoyé un message sur Facebook au coach du Barça. Je lui proposais de faire un essai (rires). On ne sait jamais. » Cette saison, Claix a fusionné et est devenue la section féminine du Grenoble Foot 38. Avec une détermination qui ferait reculer les montagnes, on ne peut que présager un avenir radieux, ici ou ailleurs, à l’actuelle défenseur centrale du club local. Elle même, se dit « contente de son début de saison. »

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