Ce samedi 28 avril, à partir de 10 heures, le Stade des Alpes accueillera une conférence sur le mouvement ultras organisée par le Red Kaos 94.
Parmi les intervenants,
Sébastien Louis qui viendra présenter son ouvrage « Ultras, les autres protagonistes du football ».
Nous avons pu discuter en début de semaine avec l’historien et sociologue, spécialiste du « supporterisme » dans le football. L’occasion de parler de la naissance du mouvement en Italie mais aussi de ses spécificités françaises et surtout de faire un point sur la situation actuelle, entre répression et méconnaissance profonde.




Sébastien, dans votre ouvrage vous abordez la naissance du mouvement en Italie, pouvez-vous nous la présenter en quelques mots ?

Le mouvement naît pendant la période 1967/1968-1972. Il prend place dans un contexte général de recherches d’espace d’expression de la jeunesse italienne qui se retrouve également dans les stades, où il y a une remise en cause des structures traditionnelles des clubs de supporters. Les jeunes tifosis italiens ne sont pas en adéquation avec l’ambiance, très calme, qu’on y trouve. Ils vont s’inspirer du modèle anglais (c’est aussi à ce moment là qu’émerge le hooliganisme outre-Manche, ndlr) et notamment des supporters de Liverpool que l’on découvre à ce moment là dans toute l’Europe, avec leurs écharpes, leurs chansons… C’est d’ailleurs pour ça que l’on peut retrouver quelques anglicismes parmi les noms de groupes ultras qui se créent en Italie.

Qu’en est-il de l’aspect politique dans la constitution ou dans le développement du mouvement ?

La base c’est cette volonté de « super groupes » de supporters mais la deuxième source d’inspiration est politique. Pour revenir sur le contexte italien de l’époque, il est alors très agité avec beaucoup de tensions, de conflits et d’affrontements violents, entre les mouvements révolutionnaires d’extrême-gauche, les groupes néo-fascistes (Lire sur l’Italie des années de plomb, ndlr). On retrouve un peu de militantisme en tribunes mais ce qui est repris la plupart du temps ce sont les noms, les symboles, l’attitude mais tout cela vide du contenu politique.

Quelles ont été les éventuelles spécificités du mouvement ultra en France ?

Chaque pays a ses propres caractéristiques. En France, il y a toujours eu deux cultures de supporters « radicaux », c’est à dire des groupes prêts à accepter l’idée de la violence au stade. Le modèle hooliganisme à la britannique et le modèle ultra, que l’on retrouve à la base plus dans la partie sud du pays. A partir de 1992, c’est ce dernier qui va prendre le dessus et gagner toutes les tribunes quand le premier sera davantage « hors-stade » (à l’image des « fights », ndlr).

Deux courants différents mais finalement souvent une confusion entre les deux aux yeux du grand public français…

Il y a eu effectivement beaucoup d’amalgames de faits dans les médias qui ont fini par nuire au développement du mouvement ultras en France, qui a eu de fait une très mauvaise réputation. Les effectifs sont finalement restés limités à part dans quelques grandes villes de foot (Marseille, Nantes, Saint-Étienne…)
Les répressions contre les ultras ont aussi pu pousser certains à finalement rejoindre le hooliganisme ou à en rejoindre certaines normes, en étant davantage dans la clandestinité.

Vous pointer les médias mais ne se font-ils finalement pas le relais des discours des pouvoirs publics ou des acteurs du football ?

Effectivement les amalgames qui existent résultent d’une situation d’ensemble et je dirais même que les groupes ultras ont eux aussi une petite part de responsabilité.

Acteurs au stade, les ultras se veulent aussi des acteurs de leur cité. Est-ce que ce n’est finalement pas cet aspect là qui « dérange » le plus les pouvoirs publics ?

Nous sommes effectivement, avec les ultras, sur des acteurs à part entière de la vie de la cité. Ils sont notamment très impliqués dans les actions sociales (à l’image de la récolte en faveur de la banque alimentaire menée parle RK94 il y a quelques jours, ndlr). Mais au-delà de ça, c’est également un espace où peut se développer une culture alternative, ce sont des acteurs de leur tissu associatif local. Dans une société très cloisonnée, ils demeurent un espace de mixité sociale très forte.
J’aime également bien employer l’expression « syndicalistes du football » pour parler des ultras qui défendent des valeurs, le maintien d’un accès au stade pour tous et qui prônent un football populaire. Dans un contexte où le football est parfois moins perçu comme un sport que comme une industrie de loisirs, ils dérangent aussi en cela.
Contrairement à l’Angleterre, par exemple, le football reste toutefois encore aujourd’hui un loisir accessible en France, où les clubs ne peuvent pas miser sur une gentrification des tribunes. Nous ne sommes pas suffisamment un pays de football pour cela. Je pense que certains aimeraient qu’on arrive à avoir un stade rempli de « clients / consommateurs », mais le contexte française ne s’y prête pas. Le PSG a été le premier à le tenter mais il a dû faire un pas en arrière car il n’y avait plus du tout d’ambiance au Parc des Princes.


On remercie Sébastien pour cet échange riche et très intéressant, que nous vous avons relayé seulement en partie, pour vous donner un avant-goût de la conférence qui se tiendra samedi matin au Stade des Alpes.

N’hésitez pas à venir nombreux pour écouter, apprendre et échanger autour de cette passionnante question qu’est le mouvement ultra !

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