Six années de galères, de passion(s), de combats. Six saisons vécues intensément par les supporters grenoblois, qui ont accompagné leur équipe dans les bons comme dans les mauvais moments. Une fidélité qui a (enfin et en partie) trouvé sa récompense avec l’accession en National du GF38. Nous avons rencontré il y a quelques jours Fabien et Francky, deux membres du Red Kaos 94. Nous sommes revenus avec eux sur cette étape importante dans l’histoire du club, sur le bilan que tire le groupe de ces dernières années et sur les étapes à venir, aussi.

Grenoble a validé son accession il y a deux semaines, quel sentiment domine aujourd’hui, passée l’euphorie du moment ?

C’est avant tout un grand soulagement parce que c’est attendu depuis 5 ans. Après, pour nous, le National n’est pas une fin en soi. Le but c’est d’aller plus haut. C’est d’ailleurs assez marrant parce qu’on a dans le groupe des petits jeunes qui n’ont finalement connu que les années galères. Ils sont arrivés il y a 4, 5, 6 ans. Ils n’ont pas connu la L2/L1. Donc, pour eux, le National c’est quelque chose d’important. Plus que pour les plus anciens qui ont connu les grandes heures de Grenoble.
Si dans l’instant T on a été à fond, avec un peu de recul on se dit qu’il y a encore du chemin à parcourir.
C’est aussi un sentiment un peu différent de la montée du CFA2 vers le CFA. En CFA2, on est resté qu’un an donc on a un peu plus eu cet aspect euphorie d’une montée directe, surtout qu’on a globalement dominé toute la saison. Là au bout de 5 ans tu fais « ouf ». Même à trois matchs de la fin tu te dis qu’on y est pas encore.
La semaine du Puy il y avait quand même cette petite incertitude, même si tu sais que tout est réuni pour que tu montes. On est Grenoble, on aime bien être un peu le loser aussi, donc on se dit que ce n’est pas fait.

Est-ce qu’il y a eu de vraies périodes de doute cette année, après Andrézieux par exemple ?

Oui après Andrézieux on a eu l’impression de revivre les années passées. Les joueurs l’ont moins vécu comme ça parce que c’était une nouvelle équipe. Ils ont réussi à vite se remettre dedans. Nous, après Andrézieux, le retour dans le bus ce n’était pas la fête, on se dit à ce moment là qu’on va repartir sur une année compliquée.

Est-ce que, en tant que groupe de supporters, vous ne vous retrouvez pas alors un peu le cul entre deux chaises : continuer à encourager l’équipe ou pousser un coup de gueule pour les re-mobiliser ?

Le match à domicile après Andrézieux on avait fait une petite banderole mais on est quand même resté assez sobre, c’était plus demander une réaction.

Vous débattez en interne pour savoir quelle réaction adoptée ?

Bien sûr. Mais avec le recul et le niveau CFA on se laisse toujours cette marge, on sait que les joueurs seront plus facile à relancer en les encourageant qu’en leur mettant une crise dès le mois de décembre.
C’est peut être des erreurs qu’on a fait dans le passé mais on a toujours plus voulu faire l’union sacrée. C’est difficile quand toute l’année tu es devant, même si au mois de mars tu sens que l’équipe commence à faiblir, tu te dis que c’est le moment où ils ont le plus besoin de toi… Donc si tu les enfonces au mois de mars et qu’il reste 3 matchs à gagner et que t’es là à siffler tes joueurs, pas sûr que ce soit très efficace.
Pour revenir à cette année on a quand même eu la victoire à Lyon où on a vu une équipe soudée, combattante. L’équipe avait un cœur, jouait ensemble. Souvent on rigole dans le mouvement ultra en disant qu’il faut savoir siffler une victoire et applaudir une défaite. Une équipe peut gagner un match à l’arrachée en étant dégueulasse, en se montrant individualiste, sans esprit de groupe. Ce n’est pas évident de le faire mais il faut savoir la siffler dans ces cas là. A l’inverse, il faut être capable de dire que les mecs ont fait un gros match malgré une défaite. Ce n’est pas « victoire c’est bien, défaite c’est mal ».
On s’était posé des questions l’année dernière, quand on gagnait des matchs à l’arrachée, je crois que c’était contre Saint-Louis Neuweg. Là on aurait peut être pu demander mieux en terme de jeu et de combativité. Peut-être qu’on le paye en mars quand l’équipe s’écroule et que les lacunes se révèlent.
Donc là, pour en revenir au sujet, après Andrézieux, même si on avait un peu la tête dans le seau, on sentait quand même qu’il y avait des valeurs, que l’équipe était soudée. Après la réaction a d’ailleurs été très rapide puisqu’on n’a plus perdu un seul match en championnat de toute la saison.

Estimez-vous que le niveau amateur vous a peut-être permis de nouer une relation « privilégiée » avec le groupe ?

Nous on essaye déjà de ne pas faire « copain – copain » avec les joueurs. C’est plus dur de « critiquer » un joueur quand c’est ton pote. C’est important d’avoir des barrières supporters, joueurs, dirigeants. Chacun fait son boulot de son côté.
Après sur une montée bien sûr qu’on peut faire la fête avec les joueurs mais il faut savoir mettre les limites, même si c’est compliqué.

Sur les réseaux sociaux notamment on n’a pu voir plusieurs d’entre vous rendre hommage à Olivier Saragaglia. Il y a eu l’hommage à Nassim Akrour contre Annecy. En remontant un peu plus loin il y avait eu un bel hommage pour Mehdi Messaoudi… C’est important à vos yeux ce « devoir de mémoire » ?

On essaye de ne pas oublier les joueurs qui sont passés, qui ont montré un état d’esprit irréprochable. Ce sont aussi des gens qui portent Grenoble dans leur cœur, même s’ils se sont éloignés, même s’ils jouent ailleurs.
Sur Olivier Saragaglia on n’oublie pas tout ce qu’il fait, dans un contexte difficile – il se plaignait d’ailleurs d’être trop seul à ce moment là. Dans le contexte d’aujourd’hui, on sait aussi que c’est peut être plus facile de monter, le club est bien mieux structuré.

La descente en CFA2 vous a aussi impacté au niveau positionnement dans le stade avec un recentrage en tribune Nord. Comment vous vous y sentez aujourd’hui, est-ce que vous vous imaginez bouger à nouveau en cas de nouvelle(s) montée(s) au cours des prochaines années ?

Pour nous, de toute façon, il n’y avait pas le choix puisqu’il n’y avait qu’une tribune d’ouverte quand on est reparti en CFA2. Le jour où une autre tribune s’ouvrira on en discutera. C’est agréable d’être au cœur mais après il y a plein de choses qui rentrent en compte dont le prix déjà. Si demain tu as une tribune Nord à 100€ et une tribune Ouest à 40€, notre place restera l’endroit populaire. Après il n’y a rien de fixé. Le jour où la Ouest ouvrira on verra.
C’est aussi vrai que la Nord ça nous a ouvert sur une autre partie du public. Tous les fidèles y étaient rassemblés, pas forcément que les Ultras.

Avec cette position plus centrale, et de par votre ancienneté, est ce que vous vous sentez un devoir d’ « éducation », même si le mot est sans doute mal choisi, en tribune ? Pour prendre un exemple concret, lors du match contre Le Puy un joueur adverse a commencé à brancher le public, une bouteille est partie et tout de suite on a vu plusieurs membres expliquer, presque pédagogiquement finalement, que c’était une limite à ne pas franchir…

C’est un peu notre rôle. Enfin c’est un peu sujet à débat chez nous aussi ; c’est le même débat sur les fumigènes par exemple. Aujourd’hui, dans la position où on est, c’est le club qui serait pénalisé, y compris au niveau sportif, avec des points en moins. Forcément on est obligé de dire « bon les gars pas de fumigènes parce qu’on risque des points en moins », on ne va pas aller contre le GF38. Quand on sera en D2/D1, peut être que sur les fumigènes par exemple on raisonnera autrement.
Notre boulot aujourd’hui est que notre tribune respecte la parole du groupe. On passe le message au maximum.

Pour rester sur Le Puy, plus de 10 000 personnes au stade, ça vous inspire quoi ?

On était super content. Nous, si on se bat, c’est pour que les gens viennent au stade. Ce n’est pas pour dire c’est nous les vrais, c’est vous les faux. Le but du jeu c’est que le stade soit plein, peu importe si certains ne viennent que quand ça gagne.
J’espère que les jeunes qui sont venus contre le Puy ont apprécié l’ambiance et reviendront. On aime bien faire le tour des gars du groupe et leur demander comment ils sont arrivés au stade. La plupart du temps les mecs sont venus la première fois pour un gros match. Si le Puy ça a pu faire accrocher 400 mecs, 200 mecs ou même 3 mecs qui se sont dit « c’est ça Grenoble », ça sera génial.
Chaque génération s’est faite avec SON match. Je pense que les gens ont passé une bonne soirée lors du match face au Puy. Des échos qu’on a eu, certains ont été surpris agréablement. Ca a mis en lumière le côté ferveur des supporters.

Pour aborder les questions plus délicates, le Stade des Alpes… Quel est le positionnement aujourd’hui du RK ? (interview réalisée avant la parution de ce communiqué qu’on vous invite à lire pour avoir l’opinion détaillée du groupe sur cette question)

On a vu que le FCG jouerait l’an prochain au SDA. Leurs matchs seront le vendredi en même temps que nous. La cohabitation a été galère au début. Cette année il y a eu un peu moins de problèmes mais je pense que ça va revenir l’année prochaine avec des doublons. Ce qu’on demande déjà c’est une harmonisation des calendriers entre les fédérations. Ensuite, en cas de doublon, on demandera à être prioritaire.

Vous avez le sentiment que la roue est entrain de tourner en faveur du football sur cette question de l’occupation ?

Ca va se jouer avec le sportif. Si demain on redescend en CFA et que le rugby remonte en Top 14 le rapport de force sera plus compliqué et on reviendrait à la situation de ces dernières saisons, en devant nous battre pour que le GF38 puisse exister. Mais si le foot monte en D2 et que eux restent en Pro D2 la situation ne sera pas du tout la même. Déjà en nombre de spectateurs on s’est bien rapproché.

Si le GF38 monte en D2 et y joue les premiers rôles, souhaiterez-vous l’exclusivité ?

A termes oui. Ce stade on s’est battu pour l’avoir.

Le National c’est aussi la problématique du jour des matchs (le vendredi). De quoi compliquer les déplacements…

Même à la maison ça va devenir chiant. Ce n’est pas notre façon de vivre le foot. Nous on se rassemble tôt, on boit un coup, on discute, on mange ensemble. Là le vendredi ça veut dire arriver au stade à 19h tout de suite en sortant du boulot pour un match qui commence à 20. Sans parler des déplacements. Ca c’est un combat qu’on mène depuis des années. Malheureusement les télés ont pris le pouvoir sur le football. Après c’est l’objectif de remonter, on savait à quoi s’attendre, on sait aussi que la L2 ça sera pareil. On préfère quand même avoir ces problématiques mais être sorti du CFA !

Le Red Star, un rendez-vous déjà coché ?

Oui bien sûr, on va s’organiser. On ne s’est pas encore penché dessus, on va attendre de voir quand ça tombe mais c’est sûr qu’on y sera, ça sera une belle fête. Les deux clubs ne se sont jamais affrontés depuis que nos deux groupes sont amis.

Vous faites également partie des groupes ultras à vous être déclarés « légitime à ne plus respecter les interdictions de déplacement » (lire ICI). Un mot sur ça ?

Un mouvement s’est lancé dernièrement par rapport aux interdictions de déplacement et à leurs encadrements. Ca part de l’initiative des grands groupes. Ca veut dire qu’effectivement on se laisse la légitimité de faire des déplacements qui peuvent être interdits.
Cette année on a réussi à se déplacer à Mulhouse mais ça a été énormément de démarches pour y parvenir. Il faut presque envoyer des courriers à tous les préfets de France pour avoir le droit d’aller voir à 50 un match de CFA à Mulhouse, c’est quand même fou de passer 3 semaines à ça.
Dans les divisions plus hautes c’est encore plus compliqué et ça tombe au dernier moment. Des groupes s’organisent – je pense qu’ils ne se rendent pas compte du travail de préparation que cela demande – et deux jours avant le match tu as un communiqué qui sort « vous n’avez pas le droit d’y aller ».
On nous dit qu’il n’y a pas assez d’effectifs policiers pour encadrer un déplacement et on se rend compte après qu’il y a parfois plus de policiers réquisitionnés pour simplement vérifier que l’interdiction de déplacement n’est pas bravée…

Pour revenir sur la question, c’est plus tirer la sonnette d’alarme. L’ANS (association nationale des supporters existe depuis 2-3 ans), il y a eu des efforts de faits pour communiquer, on est ouvert au dialogue… Après, ça doit marcher dans les deux sens et si les portes sont fermées par les instances ça va tendre à se radicaliser un peu. C’est le moment de dialoguer encore plus.

Ca vous agace le côté « parcage », à Chasselay, pour le dernier match de la saison, le club local parlait même de no man’s land ?

C’est le jeu de la CFA aussi de nous coller derrière des grilles. Cette année on s’est battu, on s’est retrouvé à Reims, parqué derrière les cages, sans eau, sans buvette, sans toilettes. Tu traverses la France, tu payes ton billet, t’as des filles obligées de pisser derrière des buissons… La plupart des incidents dans les stades ça part de choses comme ça, d’une mauvaise gestion, ça tend les gens là où il n’y aucune raison de le faire.
Dans un autre registre les instances ont réussi à gâcher l’esprit coupe de France. Il y a 7-8 ans on passait de superbes moments, on bâtissait des relations avec les petits clubs du coin, on faisait tourner la buvette, on buvait des canons avec eux, on finissait à 3 heures du matin. De vrais bons moments. Là on en arrive à des situations où les clubs préfèrent annuler à cause des coûts sécurité et viennent jouer du coup à Grenoble… Quand on est sur place et qu’on discute avec les bénévoles des clubs ils ne comprennent pas pourquoi ils ont dû faire tout ça. Ils veulent te faire croire que la coupe de France c’est l’amitié, c’est le côté populaire… mais dans les faits ça ne suit pas.

Après 6 ans de galères, objectivement, Grenoble terre de foot ou pas ?

Oui, on le voit sur les gros matchs, comme Marseille en coupe, ou le Puy dernièrement. Mais il faut que le père de famille qui amène son fils au stade vive des moments forts, qu’il se dise qu’il a des choses à vivre en tant que supporter de Grenoble et pas de Lyon ou de Marseille.
Ces derniers temps, à part Marseille, nos gros matchs ont été des rendez-vous manqués. Les gens sont repartis déçus. Je pense que Le Puy a été ce grand moment qu’on attendait et qu’il peut être ce match révélateur qui incitera les gens à revenir.

La place de Grenoble c’est la Ligue 2 ?

Oui pour l’instant c’est évident. La preuve c’est que dans l’histoire du club on a fait 4 ans de Ligue 1 donc on ne va pas dire que c’est notre place. C’est en revanche le niveau minimum que mérite la ville.

La L1 a-t-elle fait du mal ?

C’est dur de dire ça vu les moments vécus puis si ça n’arrive pas là ça n’arrive peut être jamais. Et cela a permis de tirer des leçons. Là on a des investisseurs d’aplomb, à nos yeux, par exemple. On a un président qui a la tête sur les épaules. On a un contexte sain, c’est ce qu’on demande.
Avec les Japonais on arrivait en réunion ils nous disaient « on va mettre 20 millions d’euros pour des écrans géants, vous pourrez envoyer des sms pendant les matchs ». Là on est sur des projets plus concrets, on nous dit qu’on veut investir sur le long terme, sur un centre de formation, sur une équipe féminine. Ca parle ballon, c’est sain, ça sait ce que ça fait, ça ne part pas dans tous les sens. C’est des mecs qui sont discrets dans les médias, ils ont un objectif, ils y travaillent. On préfère des mecs qui ont les pieds sur terre et puis qui réussissent finalement leur pari.

Vous parlez de foot féminin et de l’ensemble du club, est-ce que ça prend sur vous en tant que supporters ?

On sait que c’est un bien pour le club. Après c’est compliqué de se mobiliser sur plusieurs équipes. On préfère faire l’union sacrée sur l’équipe première, ça demande déjà beaucoup d’énergie, ce qui n’empêche pas certains d’entre nous d’aller voir les filles ou la réserve à titre individuel. C’est en tout cas vu d’un très bon œil et on suit ça avec intérêt.

Pour conclure, selon vous, le GF38 doit-il viser l’accession en Ligue 2 dès cette nouvelle saison ?

Oui je pense que c’est l’objectif du club aussi même s’ils ne veulent peut être pas se mettre la pression directement .
L’objectif est d’aller le plus loin possible, le plus vite possible.

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