Après avoir essuyé de nombreux refus, Yanis Bensaïd intègre enfin un centre de formation en posant ses valises à Châteauroux à l’âge de 16 ans. Il gravit progressivement les échelons avec le club de l’Indre et goûte même aux joies d’une convocation avec le groupe N1. Entretien avec un jeune grenoblois qui a touché du bout des doigts son rêve de devenir footballeur professionnel.

Yanis, quel a été ton parcours avant d’intégrer le centre de formation de Châteauroux ?

J’ai commencé le foot en U6 au GF38 et j’ai fait toutes mes classes dans le club phare de l’agglomération grenobloise jusqu’en U16. En parallèle, j’ai effectué des essais dans d’autres clubs en commençant par l’ASSE en U12 puis j’ai tenté ma chance à l’OL et au FC Nantes en U13. N’ayant pas eu de retours positifs, je me suis rendu à Brest et Dijon en U15 afin d’intégrer un centre de formation mais là encore je me suis heurté à des réponses négatives. L’année d’après, je me suis fait repérer par Montpellier qui m’a donné la possibilité de participer à deux semaines de stage à Grammont (le centre de formation du club héraultais). À la suite d’un bon stage de ma part, le club m’a informé de son souhait de me faire signer dans le courant du mois de mai. En juin, j’ai appris que de nouvelles restrictions liées aux contrats et au nombre de joueurs par effectif ont été mises en place à cause de l’épidémie de Covid-19. Je n’ai donc pas pu signer au club alors même que le directeur de la formation et la cellule de recrutement souhaitaient que j’intègre le MHSC.

J’imagine que cette nouvelle a été une désillusion pour toi. Comment es-tu alors parvenu à rebondir du côté de Châteauroux ?

« En effet c’était une désillusion car je pensais enfin intégrer un centre de formation après tous les refus auxquels je m’étais heurté jusqu’ici. Mais j’ai eu la chance de pouvoir compter sur l’aide de Ahcene Ait-Yahia et Nacim Bekakra (tous les deux recruteurs au MHSC) qui ont œuvré pour que je puisse intégrer un autre centre de formation. Nacim Bekakra connaissait bien le président de Châteauroux (Patrick Trotignon) qui m’a fait confiance en me permettant de signer mon premier contrat sans même me voir jouer. Cela n’aurait pas été possible sans l’aide également de Farès Achouri et Adam Amellal qui ont facilité ma signature à ce moment-là.

« Je me suis dit alors que je suis à une marche du contrat pro … »

Comment se passe ton intégration à Châteauroux ?

« Je suis arrivé à Châteauroux dans le groupe U17 National et j’ai effectué une première saison pleine en tant que titulaire. A l’issue de cette saison, j’ai paraphé un contrat aspirant et j’ai participé la saison suivante à la remontée du club en U19 National en évoluant durant la majeure partie de saison en U18 R1. L’avance au classement était suffisamment importante pour valider cet objectif dès le mois de mars ce qui m’a donc permis d’évoluer avec la réserve (en N3) en étant alors âgé que de 17 ans. L’objectif du club étant de nous préparer au monde professionnel, j’ai pris part à 4 rencontres avec la réserve. Mes performances cette saison-là ont conduit la direction à me proposer un contrat stagiaire pro qui me liait au club pour 2 ans ce qui représentait une marque de confiance à mon égard. Cette signature c’était une réelle fierté car je n’ai pas été épargné par les blessures sur les deux saisons précédentes et j’ai toujours réussi à revenir plus fort. Je me suis dit alors que je suis à une marche du contrat pro … ».

Penses-tu déjà intégrer le groupe professionnel après cette saison prometteuse ?

« Durant l’été 2023, j’ai profité qu’un nombre important de joueurs issus du groupe professionnel soient en fin de contrat mais aussi des restrictions imposées par la DNCG pour participer à la préparation avec le groupe N1. J’effectuais cette reprise sous les ordres d’Olivier Saragaglia (passé par le GF38 également) avant de réintégrer l’effectif de la N3 à la fin de l’été. Pour ma troisième année à Châteauroux, je me suis donc partagé entre l’équipe réserve et l’équipe U19 National qui luttait pour se maintenir ».

En fin de saison, tu vas avoir l’opportunité de t’entrainer avec le groupe professionnel alors dirigé par Antoine Sibierski qui succède à Olivier Saragaglia. Peux-tu nous raconter comment cela se passe et qu’est-ce que tu ressens à ce moment-là ?

« En effet, au mois de mars, Châteauroux était avant dernier de N1 et la direction a donc décidé de confier l’équipe à Antoine Sibierski qui était l’adjoint d’Olivier Saragaglia. Dès son arrivée, il a intégré deux joueurs de l’équipe réserve avec le groupe professionnel ce qui n’était pas arrivé depuis presque un an. A ce moment-là, je me suis dit que ma jeunesse n’était plus un frein pour continuer de gravir les échelons au sein du club. C’est un coach qui assistait régulièrement aux rencontres de l’équipe réserve et U19 National. Il avait notamment pu observer ma prestation contre Nantes pour la dernière journée du championnat U19 National. Malgré la défaite (2-1) j’avais réalisé un match plein. La semaine suivante, je l’ai croisé à la cafétaria du centre de formation, il m’a félicité pour mon match et m’a indiqué que je m’entrainais avec les pros cette semaine. A ce moment-là j’étais choqué mais je n’ai rien laissé transparaitre et je me suis contenté d’acquiescer. »

« Avec Stéphane Mbia j’ai passé un mauvais quart d’heure ! »

Comment se déroule cette semaine d’entrainement au contact du groupe N1 ?

« C’est un tout autre niveau … Dans l’intensité, dans les duels, dans la vitesse de jeu … Pas de chance pour moi, la séance du jeudi consistait en une opposition entre l’équipe des titulaires et celle des remplaçants. Durant celle-ci, j’évoluais au poste de numéro 9 donc je manquais de repères et je n’étais pas aidé par le défenseur central en face de moi qui n’était autre que Stéphane Mbia. Entre sa taille (1m90) et son parcours (Rennes, Marseille, Séville …), je me souviens avoir passé un mauvais quart d’heure (rires). Sur la fin de l’opposition, j’ai pu retrouver mon poste de numéro 10 et j’ai senti que j’avais marqué des points à ce moment-là »

A l’issue de cette séance d’entrainement, on t’annonce que tu es convoqué pour la réception de Cholet avec le groupe professionnel. Comment tu apprends cette convocation ?

« Il faut savoir que les joueurs de l’équipe réserve (comme moi) qui s’entrainaient avec le groupe professionnel ne se changeaient pas dans les mêmes vestiaires que l’équipe N1. A la fin de l’entrainement, je suis donc retourné me doucher dans le vestiaire de l’équipe réserve et j’ai entendu mes coéquipiers arriver en criant. Ils venaient m’annoncer que mon nom figurait sur la convocation parue sur le compte Twitter du club. J’ai directement appelé ma famille pour leur annoncer cette nouvelle mais eux aussi étaient déjà au courant (rires) ».

Comment se passe la préparation d’un match au contact du groupe professionnel ?

« Tout est différent. La causerie du coach le matin du match avec l’appui de la vidéo était une première pour moi. L’analyse tactique d’Antoine Sibierski (qui a côtoyé notamment Guardiola lorsqu’il passait ses diplômes à Manchester City) était d’un autre niveau. Je n’ai eu à me soucier de rien, les intendants avaient préparé l’intégralité de ma tenue de match, des chaussures jusqu’au maillot. La pelouse de Gaston Petit (le stade de La Berrichone) c’était un billard, il n’y avait pas d’excuses pour rater un contrôle ou une passe (rires). Mais je crois que ce qui m’a le plus marqué c’est l’appel de mon nom par le speaker lors de la présentation des équipes. Etant numéro 35, j’ai été appelé en dernier et j’ai entendu mon nom être repris par le stade. Là j’ai eu les frissons ! Puis j’ai réalisé ce que j’étais en train de vivre et les sacrifices que j’avais dû faire pour arriver jusqu’ici ! »

Pour rebondir justement sur les sacrifices que tu évoques. Comment tu as vécu le fait d’être à plus de 600 kilomètres de ta famille durant ces trois années à Châteauroux ?

« Les années en centre de formation avant de signer professionnel sont les plus dures car le niveau est relevé et se démarquer est difficile. On ne le dit pas assez mais durant ces années tu es également confronté à la séparation avec ta famille. Dans mon cas, j’ai également dû faire face à de nombreuses blessures durant lesquelles j’étais contraint de regarder mes coéquipiers évoluer sans moi. Ce sont des épreuves qui m’ont forgé ! Heureusement j’ai toujours pu compter sur le soutien de mes proches qui ont été présents dans les moments difficiles. Je leur dois beaucoup ! »

Alors que tu as touché ton rêve du bout des doigts avec cette première convocation en N1, tu vas quitter Châteauroux. Peux-tu nous expliquer ce qui se passe pour toi à ce moment-là ?

« Après le match contre Cholet, je suis rentré à Grenoble car la saison était terminée mais je suis convoqué pour la reprise avec le groupe professionnel qui a lieu au début du mois de juillet. Malgré des propositions de Sochaux, Clermont et Martigues, j’ai décidé de rester dans l’Indre par respect pour la confiance accordée par le club jusqu’ici mais également pour honorer l’année de contrat qu’il me restait. Une semaine après cette reprise, je suis contraint de rentrer chez moi jusqu’à fin aout à la suite d’un décès dans ma famille. Dans le même temps, le club n’a plus les fonds nécessaires pour maintenir le centre de formation ouvert. La combinaison de ces différents éléments ont fait que je n’avais plus de club. C’est pourquoi j’ai fait le choix de rejoindre Eybens, un club familial et proche de mon domicile ».

« Je suis convaincu que le message passe mieux quand il est transmis par des jeunes éducateurs »

En parallèle de ta carrière de joueur, tu as souhaité passer le Brevet de Moniteur de Football (BMF) lors de ton passage à Châteauroux. Qu’est ce qui a motivé cette décision ?

« Après avoir obtenu mon baccalauréat, je voulais me consacrer exclusivement au foot mais ma mère souhaitait que j’obtienne un autre diplôme. Etant capitaine dans toutes les catégories de jeunes, j’ai toujours aimé fédérer un groupe et je pense que mon attrait pour le coaching vient de là. Ne me voyant pas reprendre les études et étant passionné de foot, j’ai donc décidé de passer le BMF pour satisfaire ma mère (rires). C’est ainsi que j’ai commencé à entrainer les U11 de La Berrichonne. »

Finalement, ce rôle de coach te correspond et tu souhaites donc le poursuivre lors de ton arrivée à l’OC Eybens ?

« Tout à fait, je dirige actuellement l’équipe U13-2 avec laquelle j’ai obtenu le titre de champion de D2. Mais cela reste anecdotique, le plus important reste le progrès de mes joueurs. Je n’avais pas le profil adéquate pour aller loin dans le foot, mes caractéristiques physiques ont souvent été un frein auprès de certains entraineurs que j’ai pu croiser et je souhaite désormais montrer à mes joueurs qu’il est possible de réussir en s’appuyant sur d’autres qualités. Je me considère comme un entraineur calme et posé avec des principes de jeu basé sur une circulation fluide du ballon et une ressortie propre de son camp. C’est en tout cas ce que m’a transmis notamment Antoine Sibierski et que je souhaite transmettre à mon tour. Durant mon parcours, je me suis également rendu compte que le lien entre un entraineur et son joueur est primordial. L’affection que l’on porte à ses joueurs va permettre à ces derniers d’optimiser leurs qualités en livrant le meilleur d’eux-mêmes sur le terrain. C’est pourquoi je suis convaincu que le message passe mieux quand il est transmis par des jeunes éducateurs à des jeunes joueurs.

L’interview décalée de Yanis Bensaïd

Quel est ton meilleur souvenir sportif ?

« J’en ai deux qui me viennent en tête. Le premier c’est ma signature à Châteauroux qui a été un vrai soulagement. J’avais essuyé tant de refus pour intégrer un centre de formation depuis mes 11 ans que cette signature était une revanche. On m’avait tellement répété que mes qualités physiques étaient un frein à mon rêve que j’avais songé à plusieurs reprises à arrêter le foot. Heureusement j’ai toujours persévéré (rires). Le second souvenir c’est bien évidemment ma convocation avec le groupe N1 pour la rencontre face à Cholet. C’était l’accomplissement d’un rêve qui venait récompenser les efforts fournis ces dernières années.

Quel est ton pire souvenir sportif ?

« C’est en 64ème de finale de la Coupe Gambardella contre le FC Nantes. On était parvenus à les tenir en échec dans le temps réglementaire et à décrocher donc une séance de tirs au but. Malheureusement je rate mon pénalty et on se fait éliminer par la génération nantaise qui ira en demi-finale de la Youth League l’année d’après. Je pense qu’en sortant cette équipe à ce moment-là on aurait pu aller loin dans la compétition. C’est ce qui me donne le plus de regrets encore aujourd’hui ! »

Quel est ton plus beau but ?

« Je pense que c’est lors de mon second match en N3 avec la réserve de Châteauroux. Je marque un coup-franc de 25 mètres en pleine lucarne. La majorité de mes chefs d’œuvre (rires) ont été inscrits sur coup-franc mais celui-là était spécial.

Quel est ton meilleur match ?

« Mon meilleur match c’était lors de la dernière journée de U19 National contre le FC Nantes. Malgré la défaite (2-1), j’avais réalisé un match plein ponctué d’un but. C’était certainement le match le plus abouti de mes années à Châteauroux. Il m’avait notamment permis de me faire repérer par Antoine Sibierski (le coach de la N1) qui venait régulièrement assister à nos rencontres.

As-tu des superstitions, des rituels d’avant match ?

« Je n’ai pas de superstitions ou de rituels autres que mes convictions religieuses qui m’accompagnent dans mon quotidien mais qui ne sont pas propres à ma préparation d’avant match »

Quels sont tes qualités et tes défauts sur un terrain ?

« Mes plus grosses qualités sont mon aisance technique, ma vision de jeu et mon côté fédérateur. Mon principal défaut c’est tout ce qui est en lien avec l’aspect physique et notamment ma vitesse ainsi que mon impact physique. »

Quel est le joueur avec lequel tu as joué qui t’as le plus impressionné ?

« Il y a deux joueurs de la génération 2006 avec lesquels j’ai évolué durant ma dernière année à Châteauroux qui m’ont vraiment impressionné. Le premier s’appelle Nathan Richer, il évolue désormais à Guingamp et vient de réaliser un beau parcours en U19 National avec une élimination en demi-finale contre le FC Nantes. Le second c’est Ethan Kena kabeya, un défenseur central très prometteur qui vient de parapher un contrat pro avec Clermont et qui a déjà évolué en Ligue 2 et en Coupe de France sous le maillot clermontois. »

Quel est le joueur contre lequel tu as joué qui t’as le plus impressionné ?

« Sans aucun doute c’est Désiré Doué que j’ai affronté contre Rennes en u17 National. Il était au-dessus dans tous les domaines (athlétiquement, techniquement …). A ce moment-là, il faisait déjà des entrées avec la réserve rennaise en N3, il était vraiment au-dessus ! ».

Quel est le joueur avec lequel tu as eu le meilleur « feeling » sur le terrain ?

« Malgré qu’il soit défenseur central et moi milieu offensif, je me suis toujours bien entendu sur le terrain avec Ethan Kena Kabeya qui est également un de mes meilleurs amis dans la vie. Quand il y avait des jeux réduits ou des conservations à l’entrainement on cherchait toujours à se mettre ensemble. Je me souviens que les coachs essayaient de nous séparer (rires) mais quand on était ensemble c’était un régal ! »

Quel est le joueur qui t’as toujours inspiré ?

« Depuis que j’ai commencé le foot, j’ai toujours eu Zinedine Zidane comme modèle bien que je sois d’une génération (2005) qui n’a pas eu la chance de le voir évoluer en direct. Il était au-dessus techniquement, il dégageait une certaine classe balle au pied qui m’a toujours fasciné et puis il a des caractéristiques physiques proches des miennes donc je m’identifiais à lui aussi sur cet aspect-là. »

Quel est le coach qui t’as le plus inspiré ?

« Le premier c’est Antoine Sibierski que j’ai eu la chance de côtoyer à Châteauroux. Il m’a marqué par sa pédagogie, son calme et son adaptabilité face aux problèmes tactiques posés par l’adversaire. C’est également le coach qui m’a donné la possibilité de monter avec le groupe professionnel donc je lui serai toujours reconnaissant pour ça. Je suis également admiratif du travail effectué par Luis Enrique à Paris cette année qui a transformé cette équipe parisienne depuis son arrivée. »

Quelle est la personne la plus connue de ton répertoire ?

« Je pense que c’est Nabil Fekir. J’ai eu la chance d’avoir une tante qui était journaliste à Téléfoot et qui a pu nous mettre en contact. Etant milieu offensif et gaucher comme lui, j’étais fan de ce joueur à ce moment-là. J’avais pu échanger des messages et même jouer au foot quand lui était à Lyon. J’en garde vraiment un bon souvenir ! »

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