Après deux saisons et demi sous le maillot grenoblois, Abdoulie Sanyang s’est donc officiellement engagé dans un nouveau challenge ce vendredi, en rejoignant l’Hadjuk Split de Gennaro Gattuso, troisième du championnat croate. Deux saisons et demie contrastées, qui se terminent sur un sentiment de gâchis, tant sportif que financier.
Est-ce que Bamba a été le joueur le plus talentueux à évoluer sous le maillot grenoblois ces dernières années ? L’avenir le dira. L’ailier gambien est en tout cas pétri de qualités, c’est une certitude. Il l’a parfois démontré. Lors de ses six premiers mois, il fut ainsi un élément moteur du maintien de son équipe. Et si Grenoble n’est pas descendu en National cette saison là, il le doit en partie à l’ancien joueur de Beerschot.
Lors des six mois suivants, Sanyang confirme. Incisif balle au pied, décisif face au but, il est le prototype du joueur qui « met des culs sur des sièges » dans un stade. Dans un système pas vraiment fait pour que les attaquants y brillent, avec un entraîneur qui se focalise surtout sur les tâches défensives, il parvient malgré tout à tirer son épingle du jeu. Au passage, on se souviendra aussi que touché par un deuil familial, il reste disputer un match avec son équipe. Le Bamba parfois chafouin quand on le remplaçait à son arrivée s’est mu en un élément davantage épanoui dans un collectif. Souriant et très agréable en dehors des terrains, il est aussi un membre apprécié et appréciable au sein du groupe dauphinois.
Ses performances sont remarquées, forcément – nous développerons leurs implications financières dans un second temps. Son non transfert à Bordeaux impacte fortement son niveau de jeu et l’état de grâce des premiers pas s’envole rapidement chez un joueur dont la confiance s’étiole au fil des semaines. Sanyang surjoue, Sanyang déjoue. Les dribbles qui passaient se heurtent désormais aux défenseurs adverses.
Le joueur est perdu, mais loin d’être « irrécupérable ». Bamba marche à l’affect, a besoin de se sentir aimer. L’arrivée de Laurent Peyrelade quelques mois plus tard, beaucoup plus « empathique », coïncidera d’ailleurs avec un début de renouveau chez le Gambien. Mais en attendant, l’ailier doit composer avec un Vincent Hognon qui ne l’apprécie pas et qui peine à s’en cacher – ne prenant par exemple aucune nouvelle de son joueur traumatisé après un tremblement de terre alors qu’il est en sélection.
L’entraîneur préfère travailler avec des offensifs qui courent et qui défendent plutôt qu’avec le talent. D’autres en ont fait les frais. Bamba, encore un des meilleurs joueurs de Ligue 2 quelques mois auparavant, est devenu une option B, validée par des résultats heureux en première partie de saison. La saison 2023 – 2024 du joueur est un immense échec : un seul but marqué (lors de la J1 à Saint-Etienne), seulement 1286 minutes de jeu pour 14 titularisations. Le joueur en porte nécessairement une part de responsabilité mais son épanouissement, son développement personnel et sportif n’ont pas été aidés par l’environnement au sein duquel il a évolué. Pour parler en des termes business et faire la transition vers notre seconde partie : le « produit » Bamba n’a pas été valorisé. D’où ce sentiment de gâchis sportif avec un joueur qui aurait pu, qui aurait dû tellement plus apporter.
Parallèlement, le gâchis est aussi financier pour Grenoble. L’international gambien était dans le viseur du club isérois depuis quelques années. Longtemps trop cher pour les finances alpines, il a finalement été acheté 100 000€ à Beershoot, une fois le club belge devenu moins gourmand. Un an plus tard, les Girondins de Bordeaux en proposaient plus de 3 millions d’euros. Ce qui en aurait tout simplement fait, au-delà d’une plus-value énorme, le plus gros transfert de l’histoire du club.
L’été suivant, la valeur du joueur baisse logiquement mais plusieurs clubs, de l’Est de l’Europe notamment, reviennent à la charge avec des offres tournant selon nos informations autour d’1,5 millions. Là encore le GF38 refuse, considérant peut être que son joueur peut être davantage valorisé vu ses premiers mois dans les Alpes.
Nous voilà un an plus tard. Bamba est devenu un remplaçant dans le GF38 d’Hognon, quasiment jamais décisif. Autant dire qu’il ne vaut plus grand-chose du fait de son statut chez un club moyen de Ligue 2 et de son absence de statistiques. L’intérêt d’un club du standing d’Hadjuk Split est à ce titre quasi inespéré. Les négociations avec le club croate ont pourtant été âpres d’après nos infos. Au final, le GF38 va malgré tout récupérer 600 000€ (moins le % à la revente que va récupérer son ancien club) + quelques éventuels bonus ainsi que 20% sur l’éventuelle future vente du joueur.
Pas si mal pour un joueur acheté 100 000€ et à qui le précédent entraîneur a fait endosser le costume de second choix. Mais loin, très loin, des plus de 3 millions proposés il y a à peine 18 mois.
La hauteur du gâchis se mesurera aux prochains mois, prochaines années de Bamba à qui on souhaite le meilleur dans son nouveau challenge. Mais un sentiment reste fort : il y avait tellement mieux à faire avec un joueur dont le potentiel (et le potentiel « spectacle » notamment) avait su être repéré très tôt par les dirigeants grenoblois.